De longues mèches mêlant un blond ternis et des ombrages châtains, un mouvement élancé et brave qui témoigne de sa douceur mais aussi de sa fermeté. De sa sagesse mais aussi de sa témérité. Aussi légère qu'une brise printanière sachant se montrer aussi féroce que la tempête. Le vent, c'est sûrement l'élément qui correspondrait le mieux à Leean. Une dualité entre paix et force. Un équilibre maternel et libre à la fois. Cette dualité se lit dans ses yeux clairs : une apparence calme et sereine, le sang froid tant qu'elle le peut, jusqu'à ce que la patience extériorise les tumultes de ses prunelles qui vous transpercent le cœur. Un instinct protecteur qui pousse la jeune femme à faire tout son possible pour aider les autres et servir les plus démunis. Une générosité telle qu'on lui offrirait le paradis.

Toutefois, elle n'est pas immaculée de toute déviance. Leean aime s'évader, rêver, passer des journées entières allongée dans de l'herbe fraîche et courir dans les champs qui s'étendent à perte de vue. Elle a ce côté vagabond et volatile qui déplaisait à ses parents. Curieuse - un peu trop pour son bien - elle cherche toujours à s'instruire et à connaître de nouvelles choses. Leean s'intéresse à tout. Ce n'est pas une élève particulièrement studieuse, mais n'ayant pas eut le luxe d'aller à l'école ou d'avoir des précepteurs, elle s'en sort plutôt bien. Elle est intelligente, cela lui donne une base qui lui permet de comprendre ce qui l'entoure, le monde et la société. Même si cette dernière dépasse souvent la logique.

Starvos. Même inconsciemment, cela ne pourrait la frapper. Ce nom n'est qu'un nom dont elle ignore tout aujourd'hui. Pourtant, il signifiait tout. Mauvais karma pour la demoiselle qui, dés le berceau, fut abandonnée par ceux qui auraient dû prendre soin d'elle, le sort et les superstitions l'ont privée d'une sœur jumelle et d'une place enviable. Cependant, dans son malheur, il y avait du bon. La petite Leean était officiellement la fille d'un couple de paysans au grand cœur. Ils avaient déjà un fils de quatre ans, Vogan, et après Leean ils eurent une fille naturelle, Rime. Une petite famille de trois enfants en bonne santé travaillant avec leurs parents. Loin des soucis des grandes gens, les Brawick vivaient une vie paisible malgré les saisons parfois capricieuses.

Une famille heureuse, c'est ce qui comptait, non ? Leean ignorait qu'elle n'était pas légitime. Bien qu'inconsciemment ses parents portaient plus d'attention à sa jeune sœur, l'adoptée ne voyait en cela qu'un favoritisme lié à sa situation : petite, frêle, souriante et coquette, elle attirait plus l'attention en concluait Leean. C'était une fille plutôt discrète. Pas timide, elle ne se laissait pas intimider par les autres. Mais ce n'était pas le genre d'enfant à vouloir se faire remarquer. Ce qui lui confie le rôle de la grande sœur effacée et trop hédoniste pour chercher à obtenir quoi que ce soit de ceux qui l'entourent. Pour elle, le fait d'être en famille suffisait à son bonheur. Le labeur ne l'effrayait pas, la cuisine ne l'embêtait pas, tant que c'était pour les siens, Leean aurait pu décrocher la lune malgré ses petites années d'enfant qu'elle était.

Les instants préférés de Leean étaient les jours de marché. Les Brawick cultivaient différents fruits et légumes qu'ils revendaient à Valbrume et dans les bourgades environnantes. Jeune, elle se laissait divertir par toutes les distractions qu'offrent les villes. Quand elle rentrait, Leean ne pouvait s'empêcher de s'imaginer vivant dans la grande citadelle Havregarde, elle s'imaginait épouser un honnête fils de seigneur dans la cathédrale et fonder une famille dans la prospérité et à l'abri de tout besoin. Des rêves d'enfant de campagne. Parce qu'au final et contre toute attente, Leean était une enfant banale qui se complaisait dans son ordinaire tant qu'on ne lui interdisait pas de rêver. Vogan, son frère aîné, prenait un malin plaisir à la faire descendre de ses nuages. Mais à part une moue exaspérée, ça n'allait pas plus loin de la part de Leean. La jeune fille ne fait jamais preuve de violence, surtout envers les siens. Même si Vogan ne se gêne pas parfois pour la pousser, la demoiselle préfère riposter par des mots calmes. Ce qui a tendance à irriter assez son frère pour qu'il cesse de la taquiner.

Les jours des Brawick étaient paisibles. Mais dans chaque rivière calme il y a des cailloux. La famille s'en heurta à de bien trop gros... Le père eut un accident et perdit l'usage de sa jambe droite. Heureusement, Vogan pouvait assumer les tâches les plus difficiles des champs, Leean allait seule faire les marchés tant dis que Rime s'occupait de son père. La proximité des terres qu'ils cultivaient des rivages de Tanaïs les rendaient pourtant vulnérables. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que les forces des Paliontos ne passent sur leur chaumière.

Le père leur hurla de fuir, mais aucun ne pouvaient se résoudre à l'abandonner. Leean... je t'en prie... sauve-les... Il attendait une prise de conscience de la jeune fille. Bien qu'elle était courageuse, l'arrivée de ces guerriers éveillaient sa peur plus que sa curiosité. Il était trop tard pour fuir. Leean força Rime et sa mère à se cacher à l'étage. Vogan était trop borné pour qu'elle parvienne à le défaire du chevet de leur père. Elle avait beau le tirer pour le forcer à se cacher, il ne bougeait pas d'un centimètre. Il la poussa pour qu'elle le laisse affronter la foudre de ces hommes assoiffés de sang. Va te cacher si c'est c'que tu veux, mais moi je n'abandonnerai jamais mon père. L'insistance l'intrigua, cependant elle n'avait pas le temps de s'y attarder. Leean parti se cacher à son tour sous la nappe d'une table.

Un silence planait dans la demeure des Brawick. On n'entendait plus que les supplication d'un père à son fils de partir. Mais les chevaux s'arrêtèrent et les pas lourds avançaient dans un bruit sourd et pesant. Un homme enfonça la porte. Sans réfléchir ni poser de question, il lança une hachette dans le torse de Vogan qui s'apprêtait à charger sur lui. Les cris du père se mêlèrent à des sanglots. La pitié ne sembla pas effleurer le guerrier qui sans mot lui asséna un coup fatal. Leean mit sa main devant la bouche, retenant son choc à chaque coup tranchant qu'elle entend. D'autres hommes entrèrent et se mirent à fouiller la maison de fonds en combles. Aucun cri, ils n'avaient pas trouvé Rime. Le suspens était insoutenable pour Leean.

Priant en silence qu'Adalya leur accorde sa bénédiction et chasse ces malfaisants, jusqu'à ce qu'au bout d'une demi heure, les guerriers ne décident de s'en aller. Le silence oppressant et froid de la mort planait sur la chaumière. Leean ne voulait pas voir ça. Elle n'en n'avait guère la force. La demoiselle s'endormit. LEEAN ! Ce cri l'extirpa de ses songes. Elle était en sueur. Sans réfléchir, elle sortit de sa cachette et alla en direction de Rime. Elle était face à la scène, aussi blanche qu'un lit de neige en hiver. Ne regarde pas, viens, dit-elle en la blottissant contre elle et en quittant la maison alors que leur mère tomba en sanglots sur les dépouilles de son mari et de son fils.

La gorge nouée, Leean laissa Rime s'effondrer en sanglots dans ses bras. De la colère, oui, elle en ressentait. Ce n'était pas la première fois, néanmoins c'était différent. Bien plus profond. Si profond que cela ressemblait plus à un vide incommensurable. Ce qui était fait ne pouvait être défait. Chercher vengeance était vain. La guerre faisait rage dans ces contrées, personne n'était vraiment à l'abri, finalement. Cela ne signifiait pas que Leean comprenait cette violence. Elle a toujours été contre, toujours à régler les problèmes par la paroles plutôt que par les gestes. Tout cela lui paraissait tellement irréaliste... Comment d'honnêtes gens pouvaient subir ainsi le terrible fléau de la guerre ?

Une fois qu'elle eut rétabli la maison avec sa mère, Leean retourna chercher Rime. Ensemble, elles réinvestirent les lieux. Leean et sa mère faisaient tout leur possible pour poursuivre les récoltes. La cadette quant à elle, s'occupait de la maison. Rime restait la princesse de cette maison et ce encore plus étant donné les circonstances, Leean continuait donc de faire les marcher malgré le dur travail des champs. Alors que tout semblait mourir et s'effondrer pour les Brawick, leur mère commençait à discuter avec Leean pour rejoindre les Mélianas. La vengeance brûlait dans leur cœur de sa mère, mais la demoiselle fit tout son possible pour lui ôter cette idée de la tête.

Petit à petit, les Brawick pansèrent leurs blessures. La mère ne se remaria pas, tout du moins n'en n'avait pas l'envie pour le moment. Les trois femmes continuèrent à cultiver les terres qui leur étaient allouées et Leean reprenait les marchés. Malgré cette distance que les Barwick entretenaient avec les conflits, le sort força Leean à se mêler à cette guerre. Alors qu'elle faisait des livraisons jusqu'au château Mélianis, une embuscade entoura ses poignets de chaînes. Un long voyage l'attendait, un voyage des plus déplaisants. Les griffes de ce haut dignitaire Lannistair Erom, avaient posé leur étreinte sur la jeune fille. Elle ignorait les raisons de sa captivité mais était sûre d'une chose : les personnes comme elles n'avaient pas d'importance aux yeux des Paliontos. C'est pourquoi à défaut d'avoir des réponses, elle se garde de leur en donner à eux, espérant en silence que le jour où Lannistair sera défait soit proche.