Trop impétueuse. Ma gueule ne revenait pas à certaines. On m'avait évincé de la mission... Une virée en Hérimor qui m'était interdite. C'était une bien mauvaise blague. Mon unité était partie, on m'avait forcé à rester. Il était hors de question que je reste oisive. Le jour suivant leur départ, je signai donc le mien. Le jour ne s'était pas encore levé, l'aube caressait à peine l'horizon. Un écuyer – esclave fort bien dompté – s'occupait à préparer un cheval. Je n'allais pas croiser la route de mes compagnons. J'avais pris soin de tracer un itinéraire totalement différent. Ma capitaine partie, j'étais sûre qu'aucune mission ne me tomberait sur le dos alors j'allais faire ma sauce. Partir comme je le fis auparavant. La monture préparée, je me rendis aux écuries du château pour commencer mon excursion. Seule, j'avançais plus vite, et j'appréciais d'autant plus les instants passés. La relativité ou simple réalité ? Toujours est-il que c'est au galop que je pris la route. Personne ne me réprimanderait au château pour cette petite virée. Je n'étais pas très populaire au sein de la cour. Ce qui n'était pas pour me déplaire.

Je parcourus un bon bout de chemin dans la journée. C'est au milieu de celle-ci que je décidai de m'arrêter au lac Ephèse. Un endroit où j'avais passé de longs moments il y a quelques années de cela. Une forêt riche en ressources l'entourait et le calme qui y régnait était revigorant. Je longeai la lisère de la forêt aux murmures puis m'enfonça dans celle-ci dés que je croisai ce qui semblait être un sentier depuis longtemps délaissé. Alors que j'arrivai aux abords du lac, j'entendis un bourrin gratter la terre. Je cessai ma progression et descendis de ma monture, l'attachant à quelques mètres du cheval découvert. Je dégainai mon arc, l'armant d'une flèche taillée par mes soins. Mon carquois n'était pas bien rempli, mais j'étais bonne archère – malgré ce qu'on pouvait en dire – et de toute façon, j'usais plus mon glaive et ma dague que l'arc. J'avais besoin d'être à proximité de ma proie, de sentir sa chaleur, d'arrêter les giclées de sang et de le savourer, glissant sur ma peau. C'est notamment l'une des raisons qui me poussaient à voyager en armure légère. J'étais toujours affublées de peaux et de fourrures qui recouvraient de courtes parcelles de mailles sur mon torse et mes cuisses, une cape pour les voyages par temps frais et mes armes. Ainsi je me retrouvais plus fragile, mais aussi plus légère, plus rapide, plus silencieuse. J'avançai d'un pas furtif vers le lac.

Alors que je m'approche, je perçois non sans mal une silhouette posée sur un rocher. Un homme assit, à découvert. Je tends la corde de mon arc, m'apprêtant à lui décocher une flèche. Je l'aurais décochée. En temps normal. Elle serait partie sans plus de cérémonie. Un homme ici, c'était rare. En armure, avec une monture, c'était encore plus rare. On ne se promenait pas comme ça en Tanaïs. Les hommes résidant dans le pays évitaient que des confusions soient faites entre eux et... les Paliontos. En était-il un ? Si je tuais un innocent, ma conscience le prendrait de travers et si cela venait à se savoir, ce serait à nouveau ma réputation qui prendrait un coup... Pas besoin de remontrances supplémentaires, je savais assez bien me faire remarquer sans forcer le sort pour en rajouter. Je soupire tout en restant discrète. Déçue de cette réflexion dont je venais de faire preuve, je décidai de rengainer mon arc et de sortir seulement ma dague. Je m'approche à pas feutrés, doucement, lentement, mais sûrement. J'arrive dans son dos. Il ne bouge pas. Mais il est étrangement très calme, trop calme. Ce n'est pas naturel. M'a-t-il vu ? En une fraction de seconde, je me retrouve à le menacer de ma dague contre sa gorge, tenant son menton levé de ma main gauche, appuyant ma lame sur sa gorge de ma main droite. Qui es-tu ? Demandai-je d'une voix posée mais sûre. Hésite une seconde et je te tranche la gorge, promis-je en lui murmurant dans l'oreille.